Des immeubles bâtis en déchets

Des bâtiments bâtis en déchets

Les briques recyclées du bâtiment DOK1620 à Amsterdam ont permis de revaloriser près de 5 tonnes de déchets de chantier.


En Europe, le secteur du bâtiment représente à lui seul presque un tiers de tous les déchets industriels. Pour y faire face, les filières du recyclage doivent faire preuve d'ingéniosité, à l'image de l'entreprise Stone Cycling aux Pays-Bas.

Si le débat écologique tend à se focaliser sur les aspects énergétiques qui interviennent lors de l’utilisation d’un ouvrage, il est aussi nécessaire de revoir fondamentalement la manière dont on l’aura construit au préalable. C’est dans ce contexte problématique que StoneCycling a mis au point une solution des plus novatrices: transformer les déchets de la filière du bâtiment en matériau de construction. Pour cela, l’entreprise est parvenue à élaborer un processus de fabrication de briques - le matériau de construction majoritaire aux Pays-bas - qui utilise des déchets récupérés sur des chantiers de construction et de démolition. «Un système qui offre des avantages écologiques multiples, évoque Ward Mass, cofondateur de StoneCycling à Amsterdam. Cela permet déjà de limiter la production de déchets en les réutilisant dans de nouveaux projets. La démarche permet aussi de réduire les besoins en matières premières telles que le sable, l’argile ou encore la pierre. Des ressources naturelles nécessaires pour produire ensuite du ciment et du béton, dont l’exploitation pose de graves problèmes environnementaux en plus de dévaster le paysage. La pénurie de sable à laquelle l’industrie de la construction fait face actuellement engendre d’ailleurs l’apparition de nombreuses filières d’exploitation illégales.» D’abord développée par Tom van Soest lors de ses études en design, cette brique d’un nouveau genre a ensuite attiré l’attention de son ami d’enfance Ward Massa. Entre 2011 et 2013, les deux hommes décident de fonder StoneCycling en améliorant leur produit tout en élaborant leur stratégie commerciale. Ils sont rejoints en 2014 par Jasper Brommet pour développer les ventes et les partenariats avec divers acteurs clés tels que les architectes et les promoteurs immobiliers.

Circuit complexe

Dans sa démarche, StoneCycling fait donc intervenir différents acteurs. L’entreprise est ainsi parvenue à développer des collaborations avec des sociétés de démolition. Contre rémunération, ces dernières vont donc récupérer, sélectionner et fournir les déchets issus de leurs chantiers. Des matériaux ensuite traités au sein d’autres entreprises, spécialisées quant à elles dans la fabrication de briques, en suivant le processus conçu par StoneCycling. Deux à trois fois plus cher que les briques classiques, ce produit séduit tout de même un nombre croissant d’acteurs immobiliers. «Cette différence de prix ne s’avère pas très problématique puisqu’au final, dans l’ensemble d’un projet de construction, cela se traduit par une augmentation ne dépassant pas 3 à 5%, explique Ward Massa. Et chaque entreprise ou corps de métier apprécie en fait des aspects différents de notre produit. Certains architectes aiment par exemple ses qualités esthétiques, tandis que certaines compagnies immobilières sont intéressées par sa valeur durable. Souvent financés par des fonds de pension, les gros projets de construction sont donc pour eux un moyen certain de pouvoir s’impliquer en matière de développement durable. Et en considérant la manière dont évolue le cadre politique et écologique, il est fort probable que les porteurs de projets non durables soient taxés dans un avenir proche. En outre, pour les entreprises ou marques qui exploitent certains bâtiments, par exemple des magasins ou des restaurants, la dimension durable de leurs locaux représente un solide argument commercial auprès de leurs clients.»

Portée internationale

Utilisées pour des projets de maisons individuelles ainsi que dans des bâtiments de grande envergure, les briques de StoneCycling sont aujourd’hui présentes dans plus de 25 constructions réalisées entre les Pays-Bas, New York ou encore Londres. Avec son équipe de six collaborateurs, l’entreprise entend développer encore ses partenariats, notamment sur la scène internationale dans l’optique d’exporter plus largement ses savoir-faire. Les collaborations qu’elle a construites avec deux usines de fabrication de briques néerlandaises impliquent 50 personnes au total. En considérant le rôle décisif que peuvent avoir les architectes, en particulier à l’international, StoneCycling s’implique activement en tentant de les sensibilisant sur la problématique globale dans laquelle s’inscrit son innovation. Objectif: les motiver à utiliser son produit dans leur projet tout en leur proposant son expertise pour les accompagner. «Nous savons qu’il est inutile de vouloir rivaliser avec les grosses compagnies actives dans le secteur et qui vont encore se développer dans ce segment durable. Notre vision consiste donc plutôt à nous positionner en tant que partenaire expert pour faire le lien entre de grands projets de construction et notre connaissance des matériaux durables à privilégier, notamment avec notre propre produit.»

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