Et si l'art pouvait nous aider à réinvestir nos villes?

Comment recréer du lien et amener les habitants à se réapproprier leur ville? C’est la quête de Dan Acher, un entrepreneur pas comme les autres, dont les projets événementiels, artistiques et éducatifs permettent de favoriser le développement d’une composante durable essentielle: le lien social.
Agir en accord avec ses principes. Dan Acher fait clairement partie des entrepreneurs sociaux qui incarnent cette maxime. Avec une équipe réunie sous le label Happy City Lab, basé à Genève, il place des pianos dans les rues, transforme des parcs en cinéma open air, fait apparaître des aurores boréales artificielles en ville et dote différents quartiers de boîtes d’échange d’objets entre habitants. Son objectif: bousculer la routine citadine pour inciter les gens à réinvestir l’espace public. Ses outils: l’art, l’événementiel ou encore la technologie. Une activité qui permet ainsi de générer une plus-value sociale forte, elle-même destinée à servir la cause environnementale et durable. «Après des études d’anthropologie sociale et de management suivies en Nouvelle-Zélande, je me suis demandé comment mettre en place une activité qui puisse faire bouger les choses. En revenant à Genève j’ai alors eu l’idée de créer un festival dans l’optique d’inciter les jeunes à être acteurs de l’environnement. J’avais d’ailleurs déjà organisé des manifestations pour l’environnement auparavant.» Deux ans plus tard, en 2000, il lance Agir 21 après avoir créé une structure associative. Un mouvement qui prendra une ampleur insoupçonnée, notamment en sensibilisant des milliers de jeunes élèves genevois sur les enjeux durables et en les mobilisant pour mener des actions engagées telles que le nettoyage des cours d’eau de la région, la décoration de bus des transports publics, la construction et la pose de panneaux solaires, le débétonnage de surfaces ou encore la plante de plus de 1000 arbres. Avec une quarantaine de partenaires, dont des ONG et la Ville de Genève, l’événement se termine par un festival de trois jours sur la plaine de Plainpalais, située au coeur de la cité de Calvin. Fédératrice, la manifestation permet de créer des liens forts entre les politiques, les organisations non gouvernementales et les enseignants. Suite à son succès, elle sera ensuite reprise par la Ville et réorganisée chaque année avec Dan Acher.
Réinventer la ville
Quelques années plus tard, après avoir monté et réalisé d’autres événements, il réunit ses structures associatives et économique sous un même label: Happy City Lab, qui compte sept collaborateurs. «Le volet associatif me permet dans un premier temps d’effectuer des levées de fonds dans le cadre des projets que je lance, et la structure économique que j’ai créée en parallèle me permet de réaliser des mandats que la Ville de Genève ou d’autres institutions peuvent me confier, précise l’entrepreneur. Chaque projet que je mène comporte en fait son propre modèle d’affaires.» A Genève, Dan Acher est connu pour permettre régulièrement aux habitants de réinvestir l’espace public en partageant des expériences communes festives, artistiques et ludiques. On lui doit par exemple la version suisse de Jouez, je suis à vous, un projet artistique et social conçu par l’artiste Luke Jerram, connu pour ses installations interpellantes aux quatre coins du monde. Le concept: des pianos en libre accès placés à différents endroits de la ville pour permettre à tout un chacun de jouer au milieu d’une audience citadine. Chaque été Dan Acher organise également CinéTransat, un cinéma open air qui prend place dans un parc genevois. En matière d’installations artistiques, il a aussi créé BOREALIS, un dispositif sophistiqué qui permet de transposer le vécu d’une aurore boréale au cœur des villes. L’installation permet en outre de donner à Happy City Lab un positionnement international puisqu’elle est régulièrement montée dans différentes villes à travers le monde. Pour amener les citadins à contempler ce phénomène naturel d’une beauté rare, il utilise des lasers à haute puissance associés à un brouillard de particules. Entre la prouesse technologique et l’oeuvre d’art, le résultat est aussi bluffant qu’immersif.
L’art au service d’une cause
Parmi ses derniers projets, Happy City Lab a réalisé une installation artistique de grande envergure, exhibée pour la première fois à l’occasion de la COP25 en décembre 2019 à Madrid. Lors du sommet international sur le changement climatique, un imposant drapeau de 27 mètres sur 18 était ainsi exhibé lors de la manifestation qui accueillait les représentants des pays ayant ratifié le traité international environnemental. Sur cet étendard, des milliers de portraits en mosaïque formaient un oeil immense fixant les autorités présentes lors du sommet. Un message fort, adressé par des milliers de personnes ayant prêté leur visage depuis les quatre coins du monde. La démarche, intitulée We are watching, a permis à toute personne concernée par les enjeux climatiques de figurer sur ce drapeau en envoyant son portrait depuis le site wearewatching.org, mis en ligne par Dan Acher dans ce cadre activiste. Le label compte également offrir à différentes organisations la possibilité de louer cet étendard symbolique pour diverses occasions et manifestations. «L’idée consiste à imaginer tous les scénarios possibles pour pouvoir soutenir le projet qui, initialement, a été réalisé en autofinancement», ajoute l’entrepreneur social.
Entrepreneuriat, image et réalité
Dans une société où l’entrepreneur est sans cesse mis sur un piédestal, Dan Acher tient un discours plus mesuré. Car l’entrepreneuriat c’est aussi et surtout une confrontation directe avec des difficultés et des risques importants, notamment au niveau financier. Pour se lancer, il conseille également de ne pas attendre que toutes les conditions idéales soient réunies: un capital solide, un business plan validé, etc. «On risque en effet de ne jamais les atteindre. Au contraire, je pense qu’il ne faut pas hésiter à foncer, quitte à revoir ses ambitions légèrement à la baisse dans un premier temps. L’idée principale étant d'aller le plus rapidement possible vers un projet pilote ou un prototype que l'on peut tester à son niveau pour identifier ce qui fonctionne ou non. Un business plan? Si un entrepreneur aime en faire, c'est plutôt un gestionnaire. Ma philosophie consiste à se focaliser sur son idée, à l'affiner, puis à la faire vivre avec son enthousiasme en y mettant toute son énergie pour la réaliser selon ses propres convictions.»
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