Chasse aux sorcières, la sombre histoire suisse

En Suisse, la chasse aux sorcières a été particulièrement meurtrière.

En Suisse, la chasse aux sorcières a été particulièrement meurtrière.


La chasse aux sorcières a fait 100 000 morts en Europe. Et c’est la Suisse qui détient le record du nombre de victimes.

C'est une époque glaçante, durant laquelle les autorités religieuses et politiques (encore fortement enchevêtrées) n'hésitent pas à mettre à mort toute personne jugée coupable de sorcellerie. Des faux procès qui, après des tortures inhumaines infligées aux accusés, aboutissaient à des "aveux" les condamnant au bûcher. Dans l'organisation sociale de l'époque, ces sombres pratiques servaient à expliquer les injustices et catastrophes biologiques et naturelles telles que la maladie, les mauvaises récoltes, la dégradation des réserves de nourriture, la famine, l'infertilité ou encore la mortalité infantile. Encore inexplicables par la science, ces problèmes et difficultés de l'époque trouvaient dans l'invention de la sorcellerie une explication "rationnelle". Si la chasse aux sorcières représente bien entendu une démarche atroce, elle permettait tout de même de conserver un certain ordre social, en "apaisant" certaines tensions et en évitant que des troubles plus larges ne mettent en péril tout l'édifice social et religieux de l'époque. C'est en tous cas ce qu'avancent différents historiens et experts dans le récent documentaire À mort la sorcière écrit et dirigé par Maria Nicollier et Cyril Dépraz. Chasse helvétique meurtrière Concernant toute l’Europe continentale, indépendamment des régimes politiques et des confessions religieuses (catholique ou protestante), la chasse aux sorcières est présente dans les monarchies absolues comme la France de Louis XIV, les régimes républicains comme l’espace helvétique ou les Pays-Bas, ainsi que les régimes royalistes comme l’Écosse. En Suisse, le phénomène a été particulièrement violent puisqu'il y a eu dix fois plus de procès en sorcellerie sur notre territoire que chez nos voisins français. Au total, des milliers de victimes, dont des enfants. Rien que dans le Pays de Vaud, près de 3’000 personnes ont été poursuivies pour fait de sorcellerie: les deux tiers finiront sur le bûcher. La répression se concentrant surtout dans les zones rurales et montagnardes. Construction sociale L'invention de la chasse aux sorcières revient notamment aux traités de démonologie qui concrétisent l’imaginaire du mal. Après les premiers textes manuscrits, suivent des ouvrages imprimés, dont le Marteau des sorcières, publié en 1486 par les inquisiteurs Henri Institoris et Jacques Sprenger. L’ouvrage est réédité des dizaines de fois jusqu’à la fin du XVII siècle. En attisant la peur du mal incarné dans la femme accusée de sorcellerie, les démonologues décrivent une nouvelle secte qui commet l’hérésie suprême, celle de l’adoration du démon. Le sabbat devient une eucharistie inversée où le suppôt du diable est marqué physiquement, où l’orgie satanique le dispute aux blasphèmes. L’adoration du mal culmine dans l’accouplement avec le maître des ténèbres. Le diable confie à ses adeptes des poudres et onguents toxiques qu’ils utiliseront contre les gens au retour du sabbat. La peur naît alors du maléfice que la sorcière est censée répandre en contaminant l’eau potable, le bétail, la santé et la vie des humains qu’elle peut rendre stériles. La fin de la répression Un déclin s’amorce au XVIIe siècle, pour plusieurs raisons. En France, le Parlement de Paris hésite de plus en plus à confirmer les condamnations à mort de sorcières qui arrivent en appel devant la plus importante cour du royaume. Par ailleurs, l’hypothèse de l’existence d’une secte de femmes et d’hommes capables d’intercéder pour le mal afin de propager la désolation et mort s’effondre lentement. Le monde se désenchante. La présence du mal satanique s’estompe. La médecine naturalise la maladie et la souffrance dont les signes les plus dramatiques ne sont plus imputables au maléfice. L’arrêt de la chasse aux sorcières diffère légèrement selon les pays européens, mais intervient entre 1650 et 1680. En France, l’Édit de juillet 1682 décriminalise la sorcellerie, attribuée uniquement à des préjugés et superstitions. Mais la répression aura été telle que le terme de «chasse aux sorcières» est devenu courant pour désigner l’oppression d’une minorité accusée d’avoir troublé l’ordre établi. (Source complémentaire et publication première : RTS, 2010, 2013)

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